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Le costume comme support d’inscription
Valérie Folliot

 

Parler du costume de danse suppose que nous traitions des liens qui se tissent entre le vêtement et le mouvement. Ainsi nous proposons-nous d’en rappeler les tenants et aboutissants en ne négligeant pas ses rapports au professionnalisme. Au fil de l’Histoire, quelles incidences sur les gestuelles exercèrent les modes vestimentaires ? Et réciproquement ? A partir des images concernant le " Dieu de la danse " et l’ " Etoile ", nous explorerons le fait que le XVIIIe siècle est bien celui des grands danseurs, alors que le XIXe siècle est plutôt celui des grandes ballerines. Il est vrai que : " La danse n’échappe pas au monde. Plaque sensible, elle révèle comme l’ensemble de la société le triomphe des apparences, la dictature de la surface. " 1 Nous dégagerons à ce titre l’idée que chez les artistes, les modifications touchant au domaine de la costumation répondent à de nouvelles préoccupations tant sociologiques qu’esthétiques, elles-mêmes conditionnées par un environnement politico-théâtral.

Jusqu’au XXe siècle, l’art du Ballet illustre une théopoétique solaire, tandis qu’à partir des années 1890 sous l’influence d’un anticléricalisme laïque, les démons métaphoriques d’une chair trop désirante surgissent du tréfonds. Avec François Delsarte, les recherches psycho-anthropologiques amèneront la danse à divorcer du pouvoir officiel en affirmant par le dénuement ou la sobriété, la splendeur du corps en soi et sa force expressive. A cette époque, la quête d’une nudité primale obsède déjà les créateurs. Venue d’Amérique, alors que s’embourbe l’académisme et le ballet romantique occidental, alors que s’agrandit le prestige du Music-Hall, Loïe Fuller dans ses danses de voiles luminiscents et colorés symbolise à elle-seule la société industrialisée et par elle, le renouveau des arts. Dans son sillage, la théâtralité hellénique des Maud Allan et Isadora Duncan, leur dédain pour le bustier et les pointes en témoignent, ainsi que la pittoresque costumation ethno-orientale d’une Ruth Saint-Denis. Longtemps après qu’en 1921 dans L’Homme et son désir, Jean Börlin n’apparaisse nu en cache-sexe et le corps enduit, cinquante ans après les audaces apolliniennes de Ted Shawn qui, en 1923, interprétait La Mort d’Adonis en simple cache-sexe aussi, durant les décennies 1970-1980, la libération sexuelle amorçait une nouvelle relation de l’interprète à son image scénique. En l’occurrence, la sensualité du couple dénudé dans Mutations de Glen Tetley en 1970 diverge radicalement de la conception puritaine, post-cunninghamienne, des corps-machine que la chasteté gante très finement d’académiques. Quand Daniel Dobbels fait se déshabiller la danseuse dans Enfer en 1987, l’important consiste à restituer le galbe, à rendre leur place aux formes charnelles que la ligne et le culte de la minceur avaient prohibés. " Il ne s’agit pas seulement pour le nu d’être représenté en tant que tel, de se référer à une "académie". Encore moins de "figurer" comme "costume" choisi en vue d’une certaine démonstration " 2. Il convient ici de retrouver l’émotivité, le volume du corps dansant, jusqu’à ces jours voilé par une pudeur toute judéo-chrétienne. L’insoupçonnable trouble érotique surgit alors de la peau en acte. Toutefois, cette nudité diaphane, comme dans les grandes fresques macabres dont seul, à présent, le Butoh en détient la mystérieuse puissance allégorique, ne porte-t-elle point en sa fibre le sceau de la mort, blanche, blanche comme l’ivoire de nos cendres ?

 

Dès le XIIe siècle en France, la danse mesurée des seigneurs se sépare des danses populaires. Appelée basse danse, elle se différencie des danses paysannes de par son esthétique souple et déliée. Dite linéaire, elle ressortit à l’éthique chrétienne. Divertissement galant, à l’encontre des danses rituelles orientales, elle se place sous le signe d’un comportement également paisible, réservé, d’un secret que l’habit préserve.

Simultanément à la royauté naissante (XIIIe siècle), les danses de Cour apparaissent, propageant la notion d’étiquette. Le sujet actant, modelé d’après la personnalité canonique du souverain, exalte une représentation de soi qui sera pérennisée, affirmant ainsi son individualité et son appartenance à la caste.

Composée de glissades, de pas à terre nombreux, la danse noble du Moyen-Age glorifie l’identité aristocratique. Cette tradition ne se perdra pas, jalousée au sein de l’académisme classique et de la danse d’Opéra.

Outre l’exaltation de l’Homme et de la Femme, c’est l’image du couple consacré qui surtout est magnifiée. Les évolutions se déroulent avec harmonie, avec sérénité. Le culte du héros transparaît sous les traits du chevalier dont l’armure et les armes appesantissent la marche mais la rendent rassurante, ou selon inquiétante. L’idéal de la Vierge prend corps en la Dame dont l’élégance nonchalante provoquée par de longues étoffes et draps plombants interdit toute expansion. Les parcours se dévident à l’unisson, en cercle de préférence, selon la tactique des rapprochements et éloignements qui aiguise des jeux courtois et répondent aux lois de la séduction.

 

Au XVe siècle, le vocabulaire de la danse seigneuriale se codifie largement, fondée sur les principes de maîtrise, d’écoute, de grâce et de mémoire.

Dans une position hanchée alanguie, le corps se déplace avec une sinueuse dignité que souligne l’accumulation des robes, manteaux, sur-robes, vêtements hypertrophiés sur trois à cinq mètres par des traînes glissant sous la houppelande unisexe, ou bien s’étirant du faîte des hennins qu’arborent les dames. Chaussés de poulaines proportionnées à la longueur des chapeaux coniques, les Nobles glissent et semblent paradoxalement légers quoique somptueusement et lourdement revêtus d’une stratification inouïe de " sur-peaux ". Ils dansent comme suspendus dans l’air. Ils s’efforcent de planer d’un pied délicat et se soulèvent à peine au-dessus du sol. Mais ceux-là flottent à la discrétion de tous.

Nonobstant l’apparat, l’épaisseur des artifices vestimentaires n’exclut pas les transports toniques, d’origine agraire et d’ordre extraverti, que l’on désigne communément sous le vocable de danse haute.

Cette danse enlevée procède d’un habillement dont la vogue diverge de la précédente. Aussi résulte-t-elle d’un sens profond de l’économie dans la mise.

Au Quattrocento, à la différence de la mode française surchargée, les costumes italiens beaucoup plus légers autorisent une prestesse fluide et plus audacieuse. Le corps dansant s’élance avec confiance vers une pratique de plus en plus spectaculaire.

Inspiré du drapé antique gréco-romain, tourné à la Botticelli, le vêtement féminin du XVe siècle en Italie présente des modèles de tuniques courtes, de robes fines pincées sous la poitrine. Ces toilettes permettent à la colonne vertébrale de plus amples torsions latérales et longitudinales, donnant au buste les moyens de pivoter, de spiraler le mouvement. Auprès d’elles, les hommes portent des chausses, sortes de collants renforcés aux pieds ; ils s’habillent de chemises recouvertes d’une chasuble s’arrêtant aux cuisses, laissant libres l’articulation du genou et le travail des hanches. Il va sans dire qu’en s’adonnant aux joies d’une danse de plus en plus soutenue, ces effets engageaient les danseurs à fortifier leur musculature.

Grâce à la sobriété des habits, la première Renaissance, florentine, milanaise, instaurait donc les prémices d’une danse haute. Cette tendance favorisait les tours et les sauts : prouesses que la morale catholique française prohibait. Au Royaume de France, les règles de la bonne conduite réprimaient les cabrioles et autres gaillardes déclenchant la fièvre, les étourdissements et parfois la syncope des dames engoncées. Aussi les voltes par lesquelles les jupes soulevées dévoilaient la jambe, étaient-elles jugées fort incorrectes.

Pourtant en 1393 à la Cour parisienne du Roi Charles VI, dit Le Fou, une euphorisante moresque endiablée, le Bal des Ardents, se jouait à l’Hôtel Saint-Paul sous les torches. S’adonnant à la démesure, le monarque et quelques compagnons de jeu s’étaient déguisés en hommes sauvages, ou " momons ", vêtus d’un costume de poils empoissés. Le délire était complet. Dans l’esprit des courtisans, le simulacre d’exorcisme (sous-tendu par ce travestissement dansé) eût conduit à la guérison du suzerain si la fête n’eût viré tragiquement à l’incendie. La démence du pauvre rescapé fut a posteriori accentuée.

Au XVIe siècle, la mouvance virtuose (décelée en Italie au XVe siècle) est entravée par le maniérisme qui polisse les corps, et qui d’ailleurs les raidit. A l’inverse des années 1400, le costume en usage durant la seconde Renaissance des années 1500 devient plus appuyé, empesé ; il s’alourdit. Virilement, les hommes bombent leur torse grâce aux pourpoints rigides qui rappellent quelque cuirasse ancienne ; et quoique leurs jambes demeurent libres, gainées de hauts de chausses et surmontées de trousses gonflantes, la cape et l’épée du gentilhomme font obstacle à toute course. Quant à la partie supérieure du corps, une fraise que prolonge une coiffe emprisonnent cou et tête l’un à l’autre soudés.

Les femmes, elles aussi, paraissent circonscrites, enveloppées par d’imposants atours, robes dont les revers mordent le plancher. Elles endossent toujours des parures en tapisserie : robe de dessous, robe de dessus, sans compter les lingeries, chemises fines, et jupons précieux. Elles dessinent une silhouette pyramidale, cernée d’une collerette ou d’une fraise unisexe, coquettement décorées de bijoux et de mouchoirs. Enfin leurs pieds se hissent au-dessus de talons, ce qui modifie l’assiette naturelle.

Réfractaire à l’austérité du règne d’Henri II, la seconde moitié du XVIe siècle permet aux hommes, efféminés sous Henri III, de rivaliser avec les femmes ; on abuse de la montre : " Cet orgueil de la beauté physique, ce raffinement de l’art de plaire, magnifiés par le costume, le XVIe siècle leur a donné le soutien de matériaux luxueux, étoffes riches et lourdes, broderies épaisses, bijoux somptueux, dentelles aériennes. Nulle époque, même le Grand Siècle, n’aura jeté sur l’homme décor plus précieux pour atteindre la perfection de la beauté humaine. " 3

 

Cette mode marquée par la profusion sophistiquée des vêtements et accessoires, accompagne l’apparition d’une kinesthésique inédite. De par la raideur intrinsèque aux tenues, empreinte de l’idéologie ascétique du clergé espagnol, cette allure grave et pesante causée par l’engoncement correspond à la sévérité de la Contre-Réforme. Alors, l’abandon des formes souples profite aux lignes droites. Dans un savant bouillonnement, le corps baleiné, ajusté, bien espagnolé, les jupes à vertugadin – connotant aux " gardiens de vertu " – les patins ou chaussures à haute semelle de bois ou de liège, les casaques, les conques voilent pudiquement les charmes trop pénétrants.

Ici et là, les chorégraphies que Balthazar de Beaujoyeulx compose à la Cour de la Reine-Mère, Catherine de Médicis, rayonnent de par la minutie des lignes humaines en circonvolution et la somptuosité. Combien de carrés, triangles et cercles, combien de lettres et figures géométriques démultipliées en 1581 dans le grand Ballet Comique de la Reine. Graphique, le corps s’ingénie lettre. Parmi les déambulations solennelles de la Noblesse, hommes et femmes indifféremment mis en scène, quelques saltimbanques s’immiscent afin d’assumer les rôles acrobatiques de caractère. La chorégraphie des entrées fait à la pantomime et aux attractions de bateleurs une large part. Elle offre l’occasion aux ballets princiers de s’enrichir en variété, en intrigues pittoresques, en mascarades colorées, en déguisements que sert l’artisanat du vêtement.

Durant les années 1620-1630, l’art du costume principalement représenté par Daniel Rabel dérive vers un style comico-burlesque. Dans un climat perpétuellement festif, le masque comporte une importance capitale quant aux trompes-l’oeil nécessaires au leurre. Personne n’évolue jamais sans cet accessoire saturnal.

Du point de vue scénique, la codification symbolique du costume facilite l’intelligibilité de l’œuvre. Ainsi pour tous, comme dans le Ballet des fées des forêts de Saint-Germain (1625), les habits en rondelles évoquent-ils des pièces de monnaie, renvoyant aux voleurs. Sous l’impulsion du Duc de Nemours à partir de l’année 1621, les ballets mascarades à entrées développent " un sens du pittoresque et un souci d’authenticité dans l’évocation exotique " 4. En effet, durant le XVIIe siècle, comme dans le Grand Bal de la douairière de Billebahaut (1626), l’utilisation de la " fraise " fait référence à l’ancienne dynastie des Valois, connotant un air de courtisans surannés, démodés, dont on se moque et que l’on parodie à la cantonnade avec la connivence de Louis XIII.

Nous conclurons en soulignant le fait que l’excentricité du costume relève souvent d’une arrogance de ton et d’une pluralité d’écriture : l’académisme n’est pas encore prononcé. L’expressivité se donne libre cours jusqu’à ce qu’avec le temps et sous l’arbitrage monarchiste de Louis XIV, le vêtement ainsi que les éléments officiels de la belle danse n’aillent en se dogmatisant.

 

Nous constatons que depuis sa création par Louis XIV en 1669, l’Académie Royale de Musique affiche à la face du monde une puissance dynastique qu’exhibe l’apparat. Outre les mises en scène scénographiées à grand renfort de machinerie, un soin particulier est donné à la fabrication des costumes car, pour des raisons de propagande, le Pouvoir reconnaît l’impact relatif au visuel et y décèle l’instrument de toutes les fascinations. Du point de vue centralisateur, il s’agit d’intimider ; c’est pourquoi cherche-t-on à impressionner l’individu en concentrant son attention sur un point focal. De grandioses tableaux vivants frontaux s’impriment, structurés autour d’un sujet dont la valeur est glorifiée. L’objectif étant d’émerveiller, il en résulte une accentuation de la beauté plastique. Cette logique du spectacle se vérifie dans le temps à différentes époques. Depuis l’époque flamboyante des entremets, banquets-spectacles royaux et ducaux des XVe et XVIe siècles, le luxe des habits se mêlait à la richesse des festins et ensemble participaient au prestige des Grands impliqués sous le miroitement des apparences théâtralisées. Celles-ci permettaient aux convives-spectateurs de concevoir, souvent dans l’infra-rationalité, l’importance effective de la force en place. En substance, outre le faste, il est avéré que les parures et ornementations disposées dans le cadre scénique réfléchissent l’éthique du commanditaire et de ses artisans, la trahissant autant qu’elles la transportent. Le règne des Bourbons à cet égard, depuis Henri IV jusqu’à Louis-Philippe et le XIXe siècle, aiguiseront la théopoétique du corps glorieux, chérissant surtout l’imagerie des envols dorés habilement conduits dans un espace zénithal, rigidement détourés par l’architectonique théâtre à l’italienne. Il nous suffit de rappeler qu’à l’occasion du Grand Ballet de la Nuit en 1653, Louis XIV parut sous les traits du Roi-Soleil. Après lui, dans le sillage de sa légende, une généalogie de danseurs prestigieux transmettra la mémoire du " Dieu de la Danse ", rôle que déjà le monarque avait interprété lors du Ballet des Plaisirs. Effectivement, en 1655, le Grand Louis en personne endossait le " Génie de la Danse ". Un siècle plus tard en 1772, Gaétan Vestris qui devait à son tour figurer le mythique Phébus dans l’entrée d’Apollon de Castor et Pollux chorégraphié par Noverre, laissa Maximilien Gardel incarner le personnage. Gardel l’ainé, brisant la tradition, refusa l’immense perruque noire, le masque, l’imposant soleil de cuivre sur la poitrine, et dansa à visage découvert. Ce 21 janvier 1772, de par la vive blondeur du danseur, l’effigie du feu roi fut donc pulvérisée ; car jusqu’à cette date, le souverain avait bel et bien su imposer à travers sa physionomie propre, la configuration du Dieu des Arts. Aussi, à partir de son physique, avait-il instauré une beauté d’ordre " ténébreuse " totalement paradoxale compte tenu d’une représentation vraisemblable de la divinité olympique, rappelons-le, solaire et par conséquent, claire et rayonnante. En bref, rivalisant avec la noire chevelure du roi mythifié, le naturel blondoiement de Maximilien Gardel établit une plasticité s’ajustant certes mieux au lumineux Apollon.

Au XVIIIe siècle, les atours en plumes empanachent les ports de tête et induisent la raideur des nuques. De multiples coiffures à cimiers conditionnent autant l’allure des courtisans que celle des danseurs. L’élégance de la Cour dépend en effet des nouveautés de l’Opéra, mais réciproquement, ce qui séduit les Salons se retrouve à la scène. Les habits de bal déterminent les costumes de ballet. Or, ces somptueux affublements très lourds qui ne favorisent guère le mouvement ne l’entravent pas pour autant ; ils canalisent plutôt son débit. Coiffes volumineuses, tonnelets recouverts de petites jupes appelées " rhingrave ", robes à panier, escarpins, éventails, masques, combinaisons d’effets que l’on croirait devoir condamner à l’immobilité, catalysent un art du détail parfait, de la petite manière subtile, minutieuse, mignarde et raffinée. C’est la danse rococo, florissante sous la Régence et le règne de Louis XV.

Mais avant de progresser dans notre chronologie sur le vêtement et le mouvement, la danse professionnelle jusqu’en 1681 refusa leur place aux femmes. Nous en déduisons l’existence d’un profond déséquilibre dont la chorégraphie des XVIIIe et XIXe siècles s’en ressentit, et dont témoignent les imageries de " Dieu de la Danse " et d’" Etoile ".

 

A partir de 1681, les danseuses de métier acquièrent un véritable droit de cité sur la scène de l’Opéra. Dorénavant, celles-ci se chargent de donner vie aux personnages de leur sexe, rôles féminins qui depuis toujours (ou presque) avaient été assurés par des danseurs en travestis et bien entendu masqués. Cependant, n’imaginons pas qu’aucune d’entre elles jusqu’à 1681 ne s’était produisite devant un public, car : " des femmes professionnelles [avaient bel et bien] dansé dans des ballets au milieu du XVIIe siècle : en 1651 dans Les Fêtes de Bacchus, "la petite Mollier" fait une guenon (...) A partir de [La Raillerie en] 1659, les danseuses professionnelles figurent régulièrement dans les ballets. " 5 Lors des Plaisirs de l’Ile Enchantée en 1664 à Versailles, la vedette revient notamment à Thérèse, Marquise Du Parc, danseuse et comédienne rattachée à la Troupe de Molière. Officieusement, ces dernières existent. Puis en ce jour déterminant du 16 mai 1681, quand fut repris, adapté et réduit Le Triomphe de l’Amour, ballet de cour alors non plus joué par des nobles mais exclusivement interprété par des danseurs et danseuses de métier, dont Mademoiselle La Fontaine, Le Triomphe de l’Amour officialise ouvertement l’existence même de la danseuse professionnelle. Désormais, les ateliers de couture compteront avec l’anatomie féminine.

 

S’il est exact qu’une certaine liberté vestimentaire était concédée aux artistes, un régime contraignant portait sur la codification incombant à chaque personnage.

Peintre ordinaire d’Henri III, Jacques Patin représentait Mercure avec des ailes au talon. Sous Louis XIII, Daniel Rabel habillait de plumes ses lutins. Jean Bérain, costumier en titre de Louis XIV, assimilait l’instance royale à la traîne. Les " rôles à baguette " renvoyaient irréversiblement aux fées ou magiciennes.

 

Le 5 mai 1726, sur la scène de l’Académie, Anne de Camargo (1710-1770) fait son apparition et danse " de caprice " dans Les Caractères de la Danse de Jean-Féry Rebel sur une chorégraphie de Françoise Prévost. Elle se distingue parce qu’elle rivalise avec la technique des messieurs. Elle exécute de vivaces jetés-battus, des pas de basque dont la détente s’amplifie à mesure qu’elle raccourcit ses jupes aux alentours des années 1730. Si l’ampleur des robes à panier lui permet de développer un travail des jambes qu’interdisaient auparavant les robes trop étroites du Siècle d’Or, la surcharge engendrée par l’armature de celles-ci appesantit irrévocablement le jeu de toutes ballerines. Comme elle montre ses chevilles de par l’excellence vive des ronds de jambe, sans jamais toutefois laisser entrapercevoir ses genoux, les normes de la pudeur exigent d’elle et de ses semblables qu’elles se munissent du " caleçon de précaution ", ancêtre du maillot ou collant.

En effet, la simplification du costume et le raccourcissement des robes procèdent d’un approfondissement de la technique, et inversement. Le désir d’étendre un art saltatoire toujours plus habile, d’accroître le potentiel du corps, ce désir accélère la réforme du vêtement de scène.

Avec Boquet, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, il s’agit moins d’affirmer sa dextérité gracieuse plutôt que d’incarner une image qui soit en accord avec l’intrigue. Sous la vogue du Ballet à thème (ballet d’ordre réaliste), comme La Chercheuse d’esprit, ou comme Ninette à la Cour, paysanneries chorégraphiées en 1778 par Maximilien Gardel, sous l’engouement pour le ballet mélodramatique comme Le Déserteur composé en 1786 par les frères Gardel, la prégnance dramaturgique impose aux maîtres de ballet d’envisager une nouvelle corporéité. Avant que Noverre n’eût exhorté les professionnels de la danse à quitter leurs masques, à se défaire des perruques énormes et des coiffes gigantesques, à secouer l’usage des paniers, Marie Sallé (1707-1756) déjà, alors invitée à Covent Garden en 1734, avait sensiblement démontré le besoin d’opérer cette métamorphose.

Pionnière incontestée, Marie Sallé paraît en 1729 dans Les Caractères de la Danse aux côtés de Laval son partenaire, lequel danse sans être paré du traditionnel masque viril. Cette entorse à la convention du paraître fera date. En 1734, dans le ballet sans parole Pygmalion qu’elle crée, quand elle s’avance sans panier, sans jupe, sans bustier, échevelée, avec seulement un corset, un jupon sous une simple robe en mousseline drapée dans le style antique, sa visée consiste-t-elle à seulement contenter les plaisirs de la chair goûtée d’un regard libertin ? Sa recherche n’introduit-elle pas au souci d’adéquation formelle entre le référent et sa représentation ? Ne participe-t-elle pas de l’humanisme des Encyclopédistes quand elle tente, sous le fard, de découvrir l’homme vrai, sous le déguisement la personne individuelle ? D’où la nécessité éprouvée de se débarrasser des entraves à l’expression, comme celle du " loup ".

Effectivement, le XVIIIe est le siècle du travesti, de l’érotisme ; il est aussi celui des Lumières qui questionnent les états essentiels du genre humain afin d’atteindre à l’état de Nature : l’enfance, et à l’état de Liberté : la citoyenneté. On réutilise à cet effet le registre gréco-romain, ce qui conduit à réadopter iconographiquement le nu, du moins le quasi-dénudement. Métaphoriquement, au-delà de la nudité profilée, au moyen de l’épiderme, l’artiste semble sonder une présence ancienne, une vérité qui jamais ne se ride.

A la fin de l’Ancien Régime, une tendance sentimentaliste traverse la France et influence toute l’Europe. Cette impulsion préromantique est sensible dans le registre larmoyant des comédies rustiques. Cette tendance est reconnaissable dans les ballets d’action de type bergeries ou paysanneries comme La Fille mal gardée (1789) de Jean Dauberval. Leur mise et leurs attitudes témoignent d’une envie de décontraction et de " négligé ". A partir de 1781, Marie-Antoinette arbore la robe faite d’une seule pièce, la chemise à la reine, très décolletée tombant droit, avec un haut falbala au bas de la jupe, en coton blanc ou en gaze transparente. A travers elle au sein de la Cour, cette coquetterie traduit la quête d’une existence à la fois plus saine et plus simple. C’est la raison pour laquelle dans La Chercheuse d’Esprit, ballet-pantomime de Maximilien Gardel en 1777, la charmante et pastorale Madeleine Guimard (1743-1816) n’hésite pas à chausser les souliers plats, à revêtir sur sa chemise le corset lacé en y fixant même un tablier de paysanne, à superposer la jupe courte sur plusieurs jupons, à décorer sa poitrine d’une champêtre fleur.

 

Toutes deux formées par Françoise Prévost (1680-1741) à la danse noble et théâtrale de la fin du XVIIe siècle, La Camargo et Marie Sallé s’efforcèrent de hisser le statut des danseuses au niveau du professionnalisme des danseurs. Aussi le costume réformé par leurs soins concoura-t-il à ce vaste projet.

Depuis longtemps, les hommes jouissaient d’une aisance gestuelle supérieure à la leur ; la " sobriété " toute relative des habits masculins les avantageait nettement. Leur virtuosité frappait le public. Moins engoncés, plus légers, ils conquéraient les sphères ; leur succès reposait surtout sur leurs envolées fulgurantes qui les faisaient ressembler à de célestes créatures. Oui, en proportion, leurs pouvoirs d’élévation déterminaient leur gloire.

Quant à elles, les femmes se devaient satisfaire du défilé. Elles animaient les atours que les costumiers leur avaient confectionnées. Le plus souvent, celles-ci ponctuaient leurs apparitions en joignant aux lutins jeux de mine leurs coordinations raffinées de cou, de poignet, de cheville, de genou, de coude. Ce sont leurs mains et leur doigté qui retenaient l’admiration, avec les mouvements infaillibles du pied sur le bas de jambe que l’allusive expressivité des sourires rendait spirituel. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la danseuse tolérait le cintre des corsets trop serrés, l’immensité des jupes, l’incommodité des coiffes. Mais dès les années 1770-1780, quand les danseurs eurent jeté définitivement le masque, quand on eut répudié la magnificence chère à la tradition lyrique, et quand les maîtres de ballet se laissèrent gagner par la formule du naturel que préconisaient les théâtres de boulevard, une libération du geste, encore très pantomimique, vit le jour. Aussi dans l’Encyclopédie, les articles relatifs à la danse signés par Cahuzac influencèrent-ils en France la génération des années 1780-1800 (Noverre, Gardel, Dauberval), puis celle des Vigano et Angiolini en Italie et en Autriche.

 

Appliquant les principes de simplicité dans le vêtement, Nicolas Boquet épura le style rocaille. Il le rendit fonctionnel. Il s’appropria l’idée d’un costume rationnel et allégea les silhouettes en ne conservant plus que les caractéristiques essentielles à la lisibilité du personnage. Le mirage de la " pantomime romaine " qui hantait les esprits enflammés par l’intuition d’un radical changement prochain, allait éclore durant la Révolution et l’Empire. Lors des insurrections de 1789-1793, la cocarde tricolore devait flotter à tout propos, revendiquant l’emblématique parole engagée. La danse affublée du bleu, du blanc, du rouge signifiait l’expression d’une masse qui avait recouvré une dignité utopique. Cette brocarde dont s’enorgueillissait le corps, revendiquait la Loi de la République.

Enfin, " Peu à peu, une réforme profonde s’est opérée dans le domaine des décors et des costumes. Déjà Boquet avait réduit les "paniers", simplifié les ornements. Sous l’influence du retour à l’antique prôné par David, le costume s’allège considérablement " 6. En vue des processions triomphales, on réapprend à nouer le péplum ; l’habit se résume au simple maillot voilé par une tunique et aux chaussons dérivés des spartiates.

Durant le Directoire (1795-1799) et le Premier Empire (1800-1815), l’élégance incline les citoyens, les Incroyables et Merveilleuses, à s’affiner : on cultive une apparence longiligne ; on préfère la mode du pantalon serré dans les bottes, de la redingote ouverte sur un gilet croisé, des robes à taille haute d’où les gorges exhalent. Cette mode vestimentaire apporte un regain d’euphorie générale (La Dansomanie, en 1800 de Pierre Gardel). Elle exprime un sentiment de libération qui ne réapparaîtra vraiment que cent ans plus tard avec Isadora Duncan. L’adoption des sandalettes en tissu dispense une allure gracile ; elle modifie le sens de l’équilibre. L’aplomb du poids transite dès lors par la voûte plantaire que le sol épouse. Les osselets du pied bougent. Alors ceux-ci préparent-ils naturellement aux exercices de montée sur l’extrémité du pied. Cette pratique d’assouplissement anticipe sur la technique des pointes. Excitant de surcroît une vertigineuse et soudaine sensation de liberté, les repères traditionnels se transforment peu à peu. Il s’ensuit une modification de la relation de l’être à l’air médiatisée par le vêtement. Une nouvelle poésie du quotidien se fait jour. Il nous faut citer à cet égard l’entreprise de Charles Didelot, et mentionner que du point de vue d’une esthétique des corps éthérés, son œuvre fut incontestablement déterminante pour le Ballet Romantique du XIXesiècle.

 

En 1796, dans Flore et Zéphire, le chorégraphe ordonne des voleries inédites. Il fixe (comme plus tard dans La Sylphide) des filins au corset des interprètes qui, ainsi, se propulsent dans le vide. Les danseurs suspendus du haut des cintres, avec le cas échéant, un mécanisme d’ailes accroché dans le dos, paraissent vaincre la pesanteur.

Alors qu’au début du XIXe siècle les danseurs (Vestris, Duport, Perrot) tourbillonnent avec étincelance, sachant maintenir un bel en-dehors et un solide alignement des vertèbres, utiles aux ressorts, la ballerine romantique quant à elle, se laisse porter à bout de bras, et sur les pointes consacre le rêve icarien. A travers elle, le mythe de l’Etoile (ou d’un idéal inaccessible, auparavant personnifié par les Rois et Reines de France) poursuit son empire.

 

Le concours du modernisme industriel, l’éclairage au gaz (Aladin ou la lampe merveilleuse en 1822, opéra-féerie de Nicolo Isouard), l’éclairage à l’électricité (Electra en 1849 de Paul Taglioni), édifient un onirisme qui assimile moins la danseuse à la princesse et la transfigure en déesse. Parée de pierreries, costumée de mousselines brodées d’or, couronnée d’aigrettes cristallines, la ballerine délivre ses vaporeuses évolutions. Quand ses pieds flirtent avec l’apesanteur, son inconséquence hypnotise les abonnés de l’Opéra. Dans les coulisses ou dans les foyers du théâtre, les hommes d’affaires en noir partent à la rencontre des demoiselles en blanc. A ce titre, l’œuvre picturale de Hippolyte Marie-Félix Lucas (1854-1925) et celle de Jean Béraud (1849-1936) nous replongent sans conteste possible dans l’ambiance sucrée, entichée d’exotisme orientalisant et " pompier ", de la Troisième République. Aussi la danse intéresse-t-elle moins que la danseuse. Dans les salons et les coulisses de l’Opéra, le commerce du Ballet fleurit. Grâce au tutu, il se consolide. Ce diaphane uniforme, imaginé par Eugène Lami en 1832 d’après les robes de bal des années 1825, suscite un enthousiasme à l’origine du vedettariat qu’on lui connaît toujours.

A partir des années 1815-1818, la Restauration monarchique fait qu’on délaisse le cothurne grec. En revanche, le soulier de chevreau ou de toile à semelle souple est valorisé. Tandis qu’au Directoire, celui-ci remplaçait l’escarpin afin d’accroître chez l’individu la tonicité du jeu, grâce à l’élasticité du pied mieux chaussé, la danse s’élance symboliquement alerte, aux-devants des plus vastes horizons nouveaux, véhiculant l’idée de progrès et de conquête.

Entre 1820 et 1830, le bout des chaussons (initialement mou) se renforce. Le chausson dit " à pointe " exalte la station debout. Or, à travers la " pointe ", cette exaltation de la verticalité focalise sur une seule et unique personne : la femme. Déifiée, celle-ci paraît surplomber le sol sans devoir bondir pour décoller, ainsi qu’en revanche s’y doivent astreindre les danseurs. De là germe dans les mentalités du XIXe siècle la vision d’un Eternel féminin ; et c’est la ballerine qui incarne ce bel archétype. Aussi évanescente qu’une plume, la danseuse sur pointes magnifie l’anatomie humaine. Elle délivre la chair et la dématérialise. Elle en donne l’impression. Tel un héraut, la future Etoile diffuse un pouvoir que seules les femmes semblent détenir. En somme, leur miraculeux langage, sculpté par les pointes et le tutu, profile un avenir cristallisant la condition féminine où l’épouse, la concubine, serait épargnée, où la gravité du réel jamais n’aurait prise sur leur corps (immatériel, immaculé). " Le retour des Bourbons remet en vogue la couleur blanche, celle du drapeau de la royauté ; cette vogue devait devenir fureur grâce à Marie Taglioni " 7... transfuge poétisé du fantôme de la Reine sacrifiée...

 

" La génération qui avait vibré aux hautaines mélancolies de Chateaubriand, aux tendres plaintes de Lamartine s’offrit avec ferveur à la fascination de cette poétique féerie, qui semblait chercher dans le monde irréel du rêve la revanche ou la compensation d’une réalité mesquine et décevante. " 8

Cependant, cette transparence désincarnée de la ballerine recelait en vérité une fâcheuse dérive. Derrière le thème de légèreté, nous ne saurions éluder un faisceau de connotations péjoratives relatives au statut social et à la respectabilité mêmes des danseuses du XIXe siècle. A tort ou à raison, leur ombre souvent ne dissimule-elle point une " demi-mondaine " surnommée " cocotte " ? Insidieusement aux regards des messieurs, la publicité fantasmagorique et tapageuse renforce l’imagerie d’une femme-objet à qui ce monde d’hommes d’affaires refusent l’essentiel : parole. Cette problématique semble transparaître dans Coppélia, ou la fille aux yeux d’émail à travers la rivalité qui oppose le mannequin à Swanilda. A la fois femme-soumise et, à ses yeux, femme en voie de s’affranchir, en 1870 dans cette création, Arthur Saint-Léon pose l’implicite dichotomie déchirant toute bourgeoise d’alors. Appuyant le livret du ballet, les pointes, le corset et les jupons stigmatisent la mordante critique envers la société.

Le bustier de satin se plaçait sur une profusion de tarlatane, de gaze, de tulle, d’accessoires floraux, de perles, de strass et de duvet. Des bas de soie ivoire couvraient les jambes jusqu’à l’entrecuisse sous des trousses frémissantes. Fusant de la taille étranglée, la gorge pigeonnait plus ou moins sagement.

La Restauration avait réhabilité la mode de la femme-fleur, fleur de lys : le blanc de la robe en corolle et la chaussure rigide se substituaient au multicolore, au fourreau, à la sandale.

Cependant était impossible une réduction des potentialités gestuelles acquises. Autrefois, les manches montées supposaient de l’artiste qu’il ne perfectionnât que ses mouvements de jambes. A présent, les fines bretelles ajoutées à la pâmoison des mains profilaient de nouveaux possibles pour les ports de bras. Malgré cela, la cage thoracique demeurait toujours comprimée.

Durant le Second Empire (1852-1870) qui accumulait draperie, jupons, crinolines, tours et faux cheveux, les talons hauts réapparurent tandis que le tutu raccourcissait. La technique des pointes se précisait ; sur les planches, elle accusait le cou-de-pied alors que sur le pavé, les talons s’effilaient.

Durant la Troisième République, les maîtres de ballet post-romantiques accordaient moins de prix à la grâce qu’au brio. On mesurait la qualité d’une œuvre à la quantité des costumes (1880-1890). Mais à l’orée de l’époque dite " décadente ", Coppélia (1870) devait échapper à cette passion pour la technique, car Giuseppina Bozzacchi (créatrice du rôle-titre) synthétisait l’exemplarité du jeu dramaturgique d’une Marie Taglioni dans La Sylphide (1832), la vivacité d’une Fanny Elssler dans La Cachucha (1835), et la perfection d’une Carlotta Grisi dans Giselle (1841).

 

Les premiers tutus romantiques étaient longs et s’harmonisaient avec le style " ballonné ", chaste et moelleux, représentatif de l’Ecole française. D’infinies pirouettes en attitude, les adages parsemés de glissades fondues et les arabesques habillaient l’héroïne. Puis, quand le tutu mi-long s’arrêta au genou (1870-1880), le " taqueté " des danseuses afficha une excellence relevant plutôt de l’Ecole italienne. Les entrechats, les séries de petites batteries illustraient une technicité héritée des studios milanais gouvernés par Carlo Blasis. Simultanément au moment où les tulles se hérissent en forme de galette autour des hanches, parallèlement à la diffusion des revues du Music-Hall, cette virtuosité souvent gratuite se répand en Europe. Les critères de beauté poussent à travailler l’endurance et surtout les pointes d’acier. Provenant du machinisme italien, les ballets à grand spectacle comme Excelsior réglé par Luigi Manzotti en 1881, sont accueillis à Paris, à l’Eden Théâtre près de l’Opéra. L’influence agit rapidement. " On y vit d’énormes masses de figurants et de ballerines, une grande diagonale de soixante danseuses en tutu, dont le geste en parfait synchronisme éblouit les spectateurs. On peut penser que les grands déploiements des girls du Music-Hall moderne, avec leur exacte discipline, sortent de ces spectacles.(...) La plupart des danseuses des spectacles de l’Eden ne rentrèrent pas en Italie, engagées les unes par l’Opéra, les autres à Saint-Pétersbourg... telles Virginia Zucchi, la Cornalba, l’Algisi, Carlotta Brianza, Pierina Legnani. " 9 Par la suite, Le Lac des Cygnes (1895) de Marius Petipa exhibera avec arrogance les trente-deux fouettés de Pierina Legnani sous son tutu court académique, sous le duveteux et emplumé costume d’Odile, le Cygne noir. Ses jambes expertes en pizzicati occuperont l’aire de jeu au même titre que celles des " marcheuses " de revue, ou autres pages en travestis.

" Ces "revues" [étaient] sauvées par la virtuosité des pirouettes sur pointes d’Elena Cornalba, le mime sensuel de Virginia Zucchi, ballerine terre à terre aux pointes d’acier soutenues par les chaussons renforcés à la milanaise, et la précision militaire du corps de ballet en tutus raccourcis. " 10 Cependant leur faisait défaut cette âme, que Mallarmé évoquait à propos de Rosita Mauri (dans les Deux pigeons de Louis Mérante en 1886) quand il décrivait ce frémissement dans les jupes simulant une impatience de plume qui se fût envolée vers l’idée...

 

Mais de Russie proviendrait la régénérescence de la danse du Ballet classique, tandis que d’Amérique surviendrait le renouvellement des codes chorégraphiques telle qu’en témoigne à ce jour la danse moderne.

 

Le 22 décembre 1907 à Saint-Pétersbourg, Anna Pavlova (1881-1931) fantasmagorique, danse, élégiaque, La Mort du Cygne, solo que Michel Fokine lui composa sur une partition de Camille Saint-Sæns.

Elle se maintient : " durant des phrases entières sur les pointes, c’est par de flexibles ondulations de bras, par un trille léger des hanches que l’artiste traduit la nage silencieuse, l’intérieure palpitation du plumage ; puis brusquement, mais sans choc, abattue à terre, le plongeon, la remontée, l’alanguissement inquiet, enfin, repliée sur elle-même, la défaillance jusqu’à ce dernier geste d’une mort pudique cachant la tête sous le bras pareil à une aile. Mouvements si justes que vraiment ils rendaient superflu l’appendice de ces petites ailes superposées à la jupe de danse. C’est par la danse seule et ses analogies que le sujet est traité, c’est à la danse seule non aux costumes, que nous étions attentifs ". 11 Malgré la beauté de sa facture, il semble que l’aspect descriptif du tutu créé par Léon Bakst soit inutile ; l’éloquence de l’interprète suffit à émouvoir.

... la jupe à paillettes, les ailes blanches adjacentes, les plumes éparses, la couronne... " Tout son col secouera cette blanche agonie. " (Mallarmé)

" Exécutée par Pavlova, La Mort du Cygne n’est plus une "variation" de ballet, impeccable quant à son interprétation technique ; encore moins est-elle une image réaliste : c’est une élégie de la fatalité et de la mort, c’est un drame de l’âme, poétisé par le seul et unique moyen de la danse. (...) Avant tout, elle frappait par sa danse, dont la légèreté était sans égale. On n’a jamais vu un "ballon", ni une "élévation", ni un "saut" comme les siens. Ailée, éphémère, transparente comme un spectre, elle semblait une vision de conte de fées. Ses vastes envolées la ravissaient à la terre au mépris de toutes les lois physiques. Ses longs bras admirablement proportionnés lui permettent des mouvements plastiques, amples et libres, toujours coordonnés avec ceux du corps. Ses jambes remarquablement modelées reposent sur des chevilles dont la finesse égale la force ; son cou-de-pied saillant fait la beauté de ses pointes. Son corps garde toujours une souplesse et une docilité remarquables.

Voilà pour les dons physiques de cette danseuse. La particularité spéciale de son talent est cette espèce d’immatérialité qui semble la détacher de tout ce qui a rapport à la terre. Et cette particularité a déterminé son orientation vers le Romantisme ". 12 Telle nous est parvenue la magnificence de l’Etoile, nommée en 1906 prima ballerina.

Certes : " la renommée de Pavlova se confond avec la légende du Cygne, symbole essentiellement poétique de l’âme exilée ici-bas (...) le folklore russe ne nous conte-t-il pas la fable de la tsarevna enchantée, métamorphosée en Cygne ?

La Pavlova, princesse-cygne, dessine rêveusement de lents cercles sur les deux pointes, les mains croisées sur la tunique emplumée. Mue par l’ondoiement harmonieux des bras, elle glisse vers le fond de la scène (...). Prête à s’envoler, elle ouvre les bras, se dresse et se tend, comme au bord d’un gouffre aérien, en une attitude suprême. Mais voilà que sa taille ploie douloureusement, les bras collés au corps s’incurvent et se raidissent en un réflexe tourmenté de défense et d’angoisse ; le bref piétinement des pointes, accéléré et énervé par l’inquiétude, la porte en descendant jusqu’à la rampe, le dos travaille et s’arrondit sous le faix qui l’accable, la tête s’incline, inerte, et, portant en avant, à plat, la jambe au cou-de-pied héroïquement cambré, ployant l’autre genou, elle se dispose à accepter la mort (...) déchirante. " 13

La poésie du geste se déploie. Elle sait insister sur le vécu du mouvement. En hommage à la Taglioni, sa fluidité et sa délicatesse permettent aux Sylphides de Fokine (1909) de triompher à Paris. Comme l’exprime André Levinson, il émane d’elle un tourment romantique de l’au-delà, une angoisse métaphysique et une séraphique béatitude. Mais lorsqu’en 1910 Diaghilev lui proposa L’Oiseau de feu, elle décline l’invitation et se refuse au modernisme.

 

Depuis 1908, on s’évertue à substituer au juponnage la ligne droite. La silhouette féminine délaisse les poitrines projetées en avant, les croupes rejetées en arrière. Les femmes préfèrent à la taille pincée et aux hanches saillantes l’allure élancée : " c’est en 1910 que se produisit la véritable révolution du costume féminin qui eut pour origine les délires d’enthousiasme suscités par les Ballets Russes de Diaghilev. " 14 Une vague d’orientalisme submerge la capitale de l’élégance émérite, et, s’inspirant des costumes de Léon Bakst, le couturier Paul Poiret sonne le glas aux toilettes invariablement colorées de rose fané et de mauves tendres. " Les bustes corsetés et les jupes cloches cédèrent la place à des toilettes fluides agrémentées de plis ou de drapés légers. " 15 Les couleurs flamboyantes précipitant le passage d’un siècle à l’autre, l’éclat du folklore slave enivrent les esprits assoiffés d’émancipation.

L’oiseau de feu, merveilleux, tout d’or et de flamme, aux magiques plumes scintillantes, balaye de façon impérieuse le tendre cygne immaculé.

Face au refus d’Anna Pavlova, Tamara Karsavina (1885-1978) hérite du rôle dont l’incomparable costume, conçu par Léon Bakst, est une révélation pour les esthètes de la Belle Epoque. En effet, par l’entremise des milieux de la couture conjugués à ceux des Arts et des Lettres, son influence est telle que le chatoiement brutal bouleverse l’ancienne palette aux nuances éteintes qu’affectionnaient jusqu’alors les dames compassées.

Comme au temps passé où les femmes prétendaient à se coiffer à la " Sylphide " avec deux bandeaux lissés symétriquement, après L’Oiseau de feu, les élégantes réclament des turbans lamés, des robes rehaussées de pierreries et de fourrures à l’orientale.

" Si Anna Pavlova, immatérielle, semble échapper aux lois de la pesanteur, tranchant par sa sveltesse extrême avec les canons esthétiques du temps, elle s’accommode peu avec (...) l’exquise Tamara Karsavina, qui joint à son émouvante beauté un rare pouvoir expressif " 16. Durant les années 1900-1910, les mœurs qui tendent à se débrider provoquent l’apparition d’une sensibilité dionysiaque, que loue sans tarir d’éloges Isadora Duncan, prêtresse d’une danse libre visionnaire.

 

 

En conclusion, nous pensons devoir évoquer les relations de cause à effet unissant les corps costumés et leurs décors. " Dans une société qui cultive l’art de vivre, le spectacle est un songe éveillé où volent chars et nuées, où changent tout soudain les décors d’illusion. Masqué, empanaché, richement paré, le danseur, semblant échapper aux contraintes terrestres, règne sans partage sur un monde féerique, parfois incohérent " 17

Parmi les plus prestigieux danseurs professionnels, citons l’illustre Louis Dupré (1690-1774). Il fut le premier à recevoir le titre du " Dieu de la danse ". Par la suite, l’honorifique dénomination fut remise aux Vestris, père et fils, Gaëtan (1729-1808) puis Auguste (1760-1842).

 

Jusqu’en 1610, la tradition scénique voulait que les divertissements royaux se déroulassent de plain-pied avec l’assistance. Puis, à la fin du règne de Louis XIII, et sous la pression de Richelieu, la danse noble se métamorphosa quand elle échappa au cadre des salons. Avec la surélévation du plancher qui conduisit les danses curiales à transformer leur technique, dès lors qu’elle déplaça ses finalités poétiques sur la quête d’une technicité et d’une expressivité de plus en plus convaincantes, la belle danse française accèda progressivement au statut d’une pratique artistique. Certes, dès qu’elle fut hissée sur son socle, la scène, elle perdit son caractère de précieuse distraction réservée à l’élite.

Dans la mesure où, depuis la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe (ses origines), la danse de Cour s’exécutait sur un plan horizontal, Georges Arout explique qu’on ne se souciait pas ou très peu de la prouesse individuelle : " Le roi et ses courtisans, malgré leur attachement à ce divertissement où l’élégance primait l’inspiration, auraient été bien en peine, sans entraînement et dans de lourds costumes d’apparat, d’exécuter d’autres exercices que des pas plus ou moins minutieusement réglés et entrecoupés de saluts et de révérences.

En même temps que la danse va échapper aux amateurs princiers, le spectacle va abandonner le cadre des salles de palais pour élire celui des théâtres.

Changement d’optique qui déterminera un changement de technique. A la danse horizontale va se substituer la danse d’élévation que le spectateur suivra non plus de haut, mais de face. " 18

A cet égard, Pierre Michaut explique que c’est frontalement et conformément à la perspective cavalière que " Les mouvements des bras, des genoux, les temps sautés et battus et bientôt les figures d’élévation devront (...) être vus " 19.

Or, quand se poseront les problèmes essentiels liés à la délimitation de l’espace théâtral, alors même que la chorégraphie des Ballets de Cour originellement planimétrique, était " Conçue, ainsi que le précise Marie-Françoise Christout, pour être vue de façon plongeante par les spectateurs placés le long des gradins élevés sur trois côtés de la salle " 20, la chorégraphie deviendra stéréométrique quand les danseurs quitteront le parterre et les salons pour monter sur les scènes du théâtre à l’italienne. " Vue de face, [cette étendue] accentue la symétrie des ensembles. Pas et ports de bras se combinent avec une rigueur accrue. Le travail des sauts, de la batterie, le développement de l’en-dehors, de l’en-dedans – réservé aux rôles de caractères – exigent une solide formation technique de base " 21 qui, bien sûr, fait défaut aux courtisans et peut décourager les dilettantes. Parce qu’ils " briguent par vanité ou intérêt l’honneur de paraître dans les ballets et peuvent commander à Henry de Gissey des habits somptueux " 22, ceux-ci embarrassent les danseurs et chorégraphes professionnels, car, peu adapté aux exercices de virtuosité, " le costume de scène est généralement exécuté dans des tissus coûteux, ornés de passementeries et de pierreries selon le caractère du rôle. Le plus souvent il épouse les lignes du corps, dégage la jambe. La jupe s’allonge au genou pour les travestis, au sol pour les danseuses ; Mlle du Parc fend la sienne et attache ses bas à sa culotte bouffante, ancêtre du maillot. Le ballet étant une comédie muette, le costume doit aider le danseur à incarner un personnage et suppléer éventuellement à ses défaillances expressives ; il comporte des accessoires parfois encombrants, fourche, torche, rame... L’imagination la plus originale peut ici se donner libre cours, en tenant compte toutefois de certaines conventions : plumes pour les Indiens d’Amérique (...) [lorsque] Les démons portent d’étranges ailes dentelées (...). Si les danseuses sont démasquées, les danseurs conservent obligatoirement le masque, coutume qui se prolongera longtemps. " 23

Comme nous l’enseigne Germaine Prudhommeau, tandis qu’auparavant le plateau ne comportait que de rares éléments décoratifs choisis et animés par un ou deux personnages, à partir du moment où Richelieu aménage une salle à l’italienne en 1638, la professionnalisation s’opère irrésistiblement. Oui, c’est de par la modification du cadre scénique et l’interdiction en 1641, lors du Ballet de la Prospérité des Armes de France, d’aller et de venir indifféremment de la scène à la salle, " que l’action tendra à refluer " 24 sur les planches. A ce moment décisif commence bel et bien la transformation de la danse qui, devenant théâtrale, constitue l’apanage des baladins. La chorégraphie s’implante donc sur ce plateau dont les dimensions augmentent en tous sens : " L’évolution [se faisant de] par le développement de la scène " 25, avec le théâtre d’illusion, la profondeur de champ, l’espace scénique nettement distinct de l’espace public conduisent le spectateur à voir le spectacle en contre-plongée légère. Dès lors, l’axe vertical offert en vis-à-vis du public prend un prodigieux essor. Et si le cadre de scène s’ouvre en proportion de l’agrandissement du plateau, le mouvement dansé s’amplifie également en proportion du costume qui, pour les femmes habillées de robes à panier, s’élargit au niveau des jupes ce qui favorise, on l’admettra, les jeux de jambes, dégagés, battements, et pas courus notamment.

Comme le remarque Pierre Michaut, la danse se raffine et démultiplie ses difficultés : " Aux "figures" tracées virtuellement sur le plancher de la salle, se superpose une "exécution" développée dans l’espace. Les "pas" s’élaborent, se diversifient ; l’ampleur du mouvement augmente. Le jeu complexe des gestes et mouvements complémentaires (compensateurs ou antagonistes) de la tête, du buste, ou des bras se précise, s’équilibre, s’épure, compliquant et perfectionnant la configuration des "pas" dans l’espace. En même temps l’en-dehors, principe d’équilibre, qui "place" les pieds, les genoux et les cuisses du danseur ouverts et tournés, développe le bond. Joint au plié, l’en-dehors va donner l’essor aux temps sautés, à la batterie, à la pirouette.(...) Après la représentation "planimétrique", on recherchait – et on recherche encore – la représentation "stéréographique". La danse et le ballet sont transformés. " 26 Et le costume alors répond aux contraintes que lui dicte son nouvel écrin.

Sous la férule des rivalités, le dévorant souci de dépassement inaugure chez les artistes un jeu ascensionnel. C’est ainsi que la " compétition de ces virtuoses permit d’élaborer les méthodes, de préciser et d’accroître les éléments de la gymnastique saltatoire, de perfectionner le dessin des pas avec le souci de l’harmonie plastique du geste et des lignes. La conquête de l’élévation, (...) va conduire la danse vers les épanouissements prochains de la période romantique et de la période moderne. " 27

Certes, plutôt que de flatter l’orgueil narcissique des Seigneurs, conformés aux vues et idéaux monarchistes, la fonction du costume est désormais d’avantager les qualités des interprètes.

Evidemment, avec les créations en 1661 de l’Académie Royale de Danse, puis en 1669 de l’Académie Royale de Musique, la danse se professionnalise. Elle aiguise ses bases et les rend plus virtuoses. L’optique et les objectifs se modifient en fonction d’une recherche des effets grandioses. Puisque la costumation guindée et trop serrée rendait impossible le travail des plus petits rouages du corps, et, comme l’observe Germaine Prudhommeau, puisque les danseurs engoncés ne peuvaient rivaliser sur la technique elle-même, les hommes et les femmes surtout raffinent à l’extrême l’exécution du détail. Par conséquent, la danse du XVIIIe siècle accentue les mouvements de bras et ceux des genoux ; elle perfectionne les temps sautés et battus. Aussi privilégie-t-elle la prouesse et l’élévation au détriment des figures. En outre, la construction d’un lieu théâtral spécifique suppléée par la constitution d’un Corps de Ballet professionnel rassemblé sous la gouverne des deux Académies (1661 ; 1669-1672) favorisent progressivement le triomphe du brio.

A la fin du XVIIe siècle, l’ère des virtuoses " rococos " sonne donc dès l’instant où le Ballet Lyrique occupe les devants de la scène. Selon Pierre Rameau, 28 au début du XVIIIe siècle, Louis Pécourt (1653-1729) remplissait " toutes sortes de rôles avec grâce, justesse et légèreté ". Quant à Nicolas Blondy (1675-1739), celui-ci était regardé comme étant " le plus grand danseur d’Europe pour la danse haute ". En ce qui concerne Claude Balon (1676-1739), celui-là fut remarqué de par son goût exquis et sa légèreté légendaire. Mettant l’accent sur le thème solaire d’une danse brillante (" haute ") éthérée (" légère "), Pierre Rameau rappelle que le coordinateur de toute cette noble observance était Pierre Beauchamp. Alors que Beauchamp (1631-1705) " savant et recherché dans la composition " boudait les rôles expressifs, Lulli (1632-1687) quant à lui se réservait plutôt les entrées d’action.

Répétons-le, il semble qu’initialement les rôles féminins soient exécutés par des hommes en travestis. Dans Thésée en 1675, les sieurs Noblet et Pécourt interprétent six prêtresses dansantes. Grâce à Pierre Beauchamp à qui nous devons aujourd’hui cette réforme, c’est du temps de la Tragédie-Ballet naissante (durant les décennies 1670-1680) que date l’apparition des premières danseuses professionnelles.

A l’occasion de la reprise du Triomphe de l’Amour le 16 mai 1681, un Corps de Ballet féminin officiel figure à l’Académie Royale de Musique. Parmi les plus célèbres, Mlle La Fontaine (1655-1738) bénéficie du titre de " Reine de la danse ". Suprême honneur en ce monde dominé par le sexe fort, son succès est tel qu’on l’autorise à composer seule ses entrées. Lui succèdent Mlle de Subligny (1666-1735), première à ouvrir une carrière internationale en dansant à Londres en 1701 ; puis Françoise Prévost (1680-1741), artiste accomplie et professeur des légendaires Camargo et Sallé. Bien que du point de vue d’une pratique professionnelle, la danse féminine ne survienne sensiblement qu’à partir de 1659 dans le Ballet de la Raillerie, celle-ci, qui depuis toujours a existé d’un point de vue amateur ou semi-professionnel, ne saurait toutefois rivaliser avec la danse masculine.

Les évolutions des danseurs sont freinées par l’encombrement des vêtements trop lourds, peu propices aux mouvements amples. Dans une lignée prédéfinie par Henry de Gissey, somptueusement élaborés par Jean Bérain (1638-1711), les tenues de Cour ou de ville sont empanachées, ornementées. Celles-ci entravent les membres, engoncent le buste et alourdissent le poids du corps. Par conséquent, les femmes surtout négligent le travail de l’ en-dehors, censé faciliter une danse que l’on aime vivace et enlevée. Souffrant des corsets, le souffle leur manque. Moins endurantes que leurs partenaires, elles subissent la surcharge des jupes à panier immense qui créent entre les corps une barrière infranchissable ; pour elles, les coiffes, le masque, les escarpins sont autant de contraintes à surmonter.

Peu après la mort du Roi-Soleil, le 1er septembre 1715, les notions de confort reprennent de l’importance. Elles accélèrent le retour du vêtement fluide et léger ; chacun souhaite échapper à la pompe et au cérémoniel de Versailles. Paradoxalement, alors que vers 1705-1715 se répand la robe volante, dite battante, aussi flottante qu’un vêtement d’intérieur, simultanément reviennent les cerceaux. " Les lignes hautes des années précédentes étaient donc abandonnées au profit des effets de largeur. " 29 Le carcan reprend ses droits et cerne la partie fondamentalement motrice du corps : les jambes qui encore sont voilées.

Témoin d’une société où la femme devient le pivot d’une aristocratie urbaine, brillante et spirituelle, forte du climat de détente propre à la Régence, vers 1730, Marie-Anne Cupis de Camargo (1710-1770) affiche son indépendance d’esprit. Affranchie des critères conservateurs de la Cour, libre de toute étiquette, elle raccourcit sa robe, et révèle la dextérité de ses pieds. Quand elle bat l’entrechat 4, elle rivalise en effet directement avec les hommes et suscite la comparaison. Peu après elle, en 1734, se débarrassant des multiples effets pour ne danser qu’en longue tunique de mousseline drapée, dite " à la grecque ", avec jupon et corset dans son ballet sans parole Pygmalion donné à Londres, Marie Sallé (1707-1756) n’annonce-t-elle pas la vague d’anglomanie des année 1775-1780, rejetant la tyrannie du corps à baleine, préfigurant ainsi le culte de la nature ?

Formées à la pantomime par Françoise Prévost qui, avec Claude Balon en 1714 chez la duchesse du Maine au château de Sceaux, avait contribué au développement du ballet d’action en adaptant chorégraphiquement Horace de Corneille, formées toutes deux à la pantomime – disions-nous –, la Camargo et la Sallé s’efforcèrent leur vie durant d’égaler la condition des partenaires hommes, danseurs simplement vêtus des tonnelets amidonnés et gansés tombant sur les cuisses.

A cause des costumes, la danseuse du XVIIIe siècle développe surtout ses mouvements de jambes, car les manches montées ne lui permettent pas de bouger les bras avec amplitude ; son buste étroitement gainé se refuse à toute action penchée ou tournée. Il en résulte donc une allure guindée. Dans la rubrique de l’Opéra-Ballet, telle que l’œuvre de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) l’illustre, la danseuse défile plus qu’elle ne danse. Quant aux Symphonies chorégraphiques créées par Jean-Féry Rebel (1661-1747), au-delà du formalisme mignard caractéristique, la Camargo s’autorise en 1726 dans Les Caractères de la danse une danse de " caprice ", c’est-à-dire improvisée, avec un talent confirmé. " Elle exécute d’aériens jetés-battus, des pas de basque, des prouesses réservées aux danseurs, notamment des sauts, raccourcissant sa jupe et portant un "caleçon de précaution". " 30 En 1729, toujours dans ce même divertissement dansé, Rebel fait évoluer Marie Sallé en tenue de ville.

Dans leur robe à la reine, outrageusement corsetées, en 1779, les Madeleine Guimard (1743-1816) et Marie Allard (1742-1802) dans un Pas de trois avec Jean Dauberval (1742-1806) affichent chacune la sobriété buccolique que chantent Jean-Jacques Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre. " Le goût pour une simplicité naturelle empreinte de classicisme, et la fascination grandissante pour l’Antiquité, avivée par les fouilles d’Herculanum et de Pompéi et par les voyages en Italie, stimulent cet engouement pour une robe d’un blanc uni, confortable " 31 L’allègement des formes, l’affinement de la ligne verticale produisent l’avènement d’une silhouette alerte, évocatrice d’un style de vie plus informel.

 

A la différence des XVIIe et XVIIIe siècles, le XIXe siècle ajoute les ports de bras quoique le corps reste prisonnier du corset et les pieds soumis aux chaussons de pointes. Jusqu’à la Révolution, les danseurs et danseuses portent toujours des costumes dérivés des vêtements quotidiens. " Mlle Raucourt, dans le Pygmalion de J.-B. Rousseau, représente encore Galatée en robe à paniers... Ces emprunts réciproques que se font la cour et le théâtre s’expliquent par le fait que, sous Louis XV, c’est Boquet qui travaille pour l’Opéra comme pour les "Menus", c’est-à-dire pour la cour, tandis que, sous Louis XVI, c’est Sarrazin "costumier de Leurs Altesses Nos Seigneurs les Princes et directeur ordinaire du Salon du Colisée", qui dessine les modèles nouveaux. " 32

Sous le Directoire (1795-1799), les danseuses adoptent la robe à taille haute sans armature des Merveilleuses. Pour toute chaussure, elles enfilent des chaussons raffinés en tissus et aux talons quasi-inexistants, bas, tenant grâce aux rubans croisés sur la jambe. On peut considérer que la conception technique des chaussons-pointes s’est déroulée durant la période impériale (1800-1815) ou peu après, avec la Restauration (1815). Effectivement, entre 1800 et 1832, la technique explose. Tout d’abord, les pointes apparaissent en France dès avant 1818 avec Geneviève Gosselin (1791-1818). Presque simultanément, celles-ci se trouvent à Naples en Italie avant 1823 avec Amalia Brugnoli. Puis elles surviennent en Russie à Saint-Pétersbourg avec Avdotia Istomina. A la période romantique (1832-1870), le style français se constitue, héritier du style noble réglé durant le XVIIIe siècle.

Exigeant toujours les mêmes grâce et perfection, la danse romantique privilégie la traduction gestuelle du sentiment amoureux (d’où la prééminence du pas-de-deux).

En 1796, dans Flore et Zéphire, le chorégraphe Charles Didelot (1767-1837) crée le premier adage homologué. A travers ses mouvements déliés et vaporeux, l’adage exprime le stéréotype même d’une femme fragile et évanescente. Le désir de légèreté renvoie à l’idéal féminin diaphane et lui-même léger tel un duvet, sans consistance ni prise aux réalités des lois terrestres (morale, économie, etc.). Idéologiquement, cette poétique n’entretient-elle pas une misogynie diffuse ?

A Milan, Carlo Blasis (1795-1878) perfectionne le style dit " ballonné " et perfectionne aussi l’ " attitude ".

Cette attirance pour les mondes immatériels, invisibles, éthérés, trouve sa transcription déjà dans la machinerie des " voleries ". A la fin du XVIIIe siècle, Charles Didelot met au point les envolées de soliste suspendu dans les airs au moyen du fil de laiton. Parallèlement, le fantasme du " vol " se révèle dans les escarpins à hauts talons telle qu’en chausse Marie-Antoinette pour le Bal à la Cour. Participant d’un même désir (ouranien), l’escarpin de danse oblige la ballerine à se hisser sur les demi-pointes voire sur les trois-quart de pointes. Digne héritière de l’époque précédente, la danseuse du XIXe siècle n’effleure plus le sol que d’un pas indifférent à la pesanteur. Ou bien perchée sur sa pointe, ou bien retenue par un filin, l’attitude de Marie Taglioni dans La Sylphide (1832) ou bien celle de Carlotta Grisi dans Giselle (1841) cristallise l’image de l’ " Etoile ", ou celle d’une tendre jeune fille échappant aux lois terrestres.

Alors qu’un siècle auparavant Marie Sallé et Anne de Camargo avaient réformé l’habit scénique, alors que du temps de Noverre (1727-1810), Boquet avait réduit les " paniers " et allégé les costumes, au XIXe siècle, le peintre Eugène Lami songe à une nouvelle parure pour la femme : une robe de type " princesse ". A ce propos, Pierre Lartigue écrit qu’ " Avec La Sylphide (1832) et Giselle (1841), le fantôme de la monarchie disparue se dresse sur pointe " 33. De par sa blancheur irisée, le tutu romantique en gaze azuré figure la restauration du " lys royal ", et peut symboliser la revanche des monarchistes sur les républicains.

Etre aérien, la Sylphide voltige capricieusement sous le clair de lune que lui compose le décorateur Pierre Ciceri, avec son jeu d’orgue et sa maîtrise de l’éclairage au gaz. Par ailleurs, à l’Acte II, dit " acte blanc ", les esprits voilés dans leur linceul (le tutu immaculé) s’épuisent à force de danser leur amour impossible. Dans Giselle ou les Willis, les innombrables " glissades " conduisent l’un vers l’autre les amoureux. Les " arabesques " leur permettent d’adresser les baisers. Les " attitudes " et " pirouettes " précipitent la disparition redoutée.

A l’inverse du jeu des danseuses, les danseurs qu’ils soient Lucien Petipa (1815-1898) ou bien Jules Perrot (1810-1892) bondissent, tourbillonnent, exaltent en cascade leur virilité et, à grand renfort de " grands jetés en tournant ", imposent leur force et leur majesté. Toutefois, si La Sylphide avait fixé l’archétype du ballet romantique, et si Giselle marquait tant son public au point de devenir le chef-d’œuvre du genre, après elles, le ballet-pantomime magnifiera seulement et essentiellement l’imagerie de la ballerine.

Etoile de l’Opéra, on la vante parce que celle-ci et son prestige fidélisent la clientèle masculine. Pour des raisons commerciales, ainsi que l’écrit Marie-Françoise Christout, " Marie Taglioni a inauguré le règne de l’éternel féminin ", mais elle a ouvert " également l’ère néfaste des ballerines ". Déjà, en 1838 dans La Volière, Fanny Elssler (1810-1884) a pour partenaire sa sœur en travesti. Résultant du courant virtuose dix-huitièmiste, la danse romantique justifie la suprématie des danseuses vedettes au détriment des danseurs. Finalement, ces derniers doivent accepter le statut de serviteurs-portant. Le vedettariat dont ils jouissaient au XVIIIe siècle et qui les poussait à jouer la concurrence, s’est renversé en faveur de la danseuse du XIXe siècle. Parce qu’elle craint la puissance spectaculaire car athlétique de son rival, sa tactique est d’éconduire la superbe masculine en ne lui concédant plus que des rôles mineurs et grotesques. En 1870, Eugénie Fiocre interprète bellement le héros dans Coppélia, et consacre dans la hiérarchie de l’Opéra, l’intronisation des danseuses en travestis. " Eugénie Fiocre qui campe Franz suscite d’ailleurs de vibrantes extases : "Est-elle (j’allais dire, est-il !), est-elle assez gracieuse avec ce costume qui fait valoir des formes qu’un statuaire chercherait longtemps !" peut-on lire sous la plume d’un chroniqueur de l’époque. Dans son pantalon moulant, la femme travestie laisse apparaître des rondeurs que le tutu cache encore pudiquement. " 34 Pour trouver place auprès des tyranniques danseuses, les danseurs doivent excéler. Relégués au second plan, en disgrâce dans les rôles subalternes, leurs prouesses ne leur sont pardonnées que parce qu’elles permettent aux dames de reprendre haleine.

A l’exemple de Thérèse Elssler (1808-1878) qui ne répugne pas à l’ambiguité androgynique, les ballerines se moulent dans des tenues promptes à réveiller la curiosité des messieurs. Aux yeux des abonnés de l’Opéra, pantalon collant, veste et pelisse de hussards engendrent une confusion de genres entre jeunes femmes et jeunes éphèbes. Dans Les Deux Pigeons, donnés en 1886, Marie Sanlaville danse le rôle de Pepio en qualité de première danseuse en travesti. Comme du temps d’Eugénie Fiocre, Marie Sanlaville suscite les plus vibrantes extases auprès du public.

Psychologiquement flattés dans leur spéculative grandeur, enorgueillis par l’idée d’être les maîtres (ou propriétaires) du Foyer de la Danse, les ballétomanes ne peuvent ressentir la moindre jalousie à l’égard des scènes d’amour puisqu’aucun homme ne tient le rôle du prétendant (lequel étant interprété par une simple demoiselle déguisée en garçon). Du fait des travestissements de danseuses, l’illusion chez les spectateurs d’être les partenaires exclusifs de ces vedettes, " pages " ou " marcheuses " reste donc intacte.

Bien qu’il déplore la préférence du public pour la ballerine, Arthur Saint-Léon (1821-1870) est le chorégraphe qui pourtant courtise le plus la personne et la personnalité féminine dans ses ballets. Entre 1870 et 1909 en France, le phénomène s’accroît.

Cependant, sous l’action de Michel Fokine (1880-1942), les exhibitions sexistes, voire exclusivement saphistes, disparaissent peu à peu. Bien qu’en son temps, Marius Petipa (1818-1910) intercède auprès du Tzar afin de revaloriser le statut des danseurs, au point de les hisser d’ailleurs au rang des soldats de la Garde Militaire Impériale, quoiqu’il rééquilibre l’importance dévolue tant aux jeux masculins que féminins, il revient à Fokine d’avoir accéléré la chute du culte de la vedette et d’avoir insufflé aux mouvements de groupe des intentions signifiantes, et non plus purement décoratives. Aussi convient-il de citer Les Danses polovtziennes du Pince Igor de Borodine (1909), autant pour la qualité des effets de masse que pour le caractère viril du solo d’Adolphe Bolm (1884-1951) dans le rôle stupéfiant du chef des guerriers. De Saint-Pétersbourg, poursuivant l’entreprise de Noverre, Michel Fokine réintroduit dans la danse pure, académique, la mimique corporelle, et rend sa valeur à la pantomime dansante. Concevant un style d’inspiration hellénique dès 1905, dans le même état d’esprit qu’Isadora Duncan, quoique foncièrement classique, il participe à la rénovation de l’image du corps dansant. Abandonnant l’empire des cinq positions traditionnelles, explorant le déséquilibre dans sa sauvagerie, se nourrissant du fonds folklorique (Petrouchka, 1911), à sa suite, Waslaw Nijinsky (1890-1950) en entravant les tabous sexuels transfigure les modes gestuels. A cet égard, L’Après-midi d’un Faune, créé en 1912, fut frappé d’opprobre parce que l’interprétation de Nijinsky avait été estimée bestiale par une partie de l’assistance. Préalablement, une année avant la création du Faune, Nijinsky s’était fait congédier des Théâtres Impériaux parce qu’il était apparu dans Giselle en simple collant. L’exhibitionnisme pour lequel il fut renvoyé du Théâtre Mariinsky en 1911, fit à nouveau scandale à Paris en 1912. Néanmoins, les œuvres de Fokine et de Nijinsky réconcilièrent la culture russe avec son patrimoine primitif. En 1913, dans le magistral Sacre du printemps, la mystique chamanique émane des décors, costumes et du livret conçus par Nicolas Rœrich, libérant d’insoupçonnables forces. Ce chef-d’œuvre va probablement démontrer aux défenseurs de la tradition classique la nécessité de prendre en considération le fait que la danse résulte d’une intime relation de l’être raisonnant à l’invisible, en phase avec sa matérialité organique.

Au début du XXe siècle, à l’inverse d’Arthur Saint-Léon mais à l’instar des créatrices américaines, les Russes refusent l’exclusivité du langage académique. Grâce à la costumation de plus en plus fluide, de plus en plus propice aux mouvements ondulatoires, dans la mouvance des premières danseuses modernes comme Loïe Fuller (1862-1928), Isadora Duncan (1880-1968), Ruth Saint-Denis (1877-1968), ou Mary Wigman (1886-1973) et Martha Graham (1894-1991), les rénovateurs sous la férule de Diaghilev enrichirent le vocabulaire classique en y incluant des postures de types archaïques. Finalement, l’abandon des chaussons, des pointes jugées contre-nature, l’usage des pieds nus et le rejet des juponnages greffés au tronc par des corsets comprimants, propulsèrent le corps souverainement libre et rendu à lui-même.

Valérie Folliot

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NOTES:
1 Geneviève Vincent, " La fin des années militantes ", in Pour la Danse, hors-série n° 165, " Les Années 80 en France ", 1990, p. 12.
2 Daniel Dobbels, " Le nu, réalité ou représentation ? ", in Art Press, hors-série n° 8, " Les années danse ", 1987, p. 40.
3 François Boucher, Histoire du Costume en Occident de l’Antiquité à nos jours, Editions Flammarion, 1965, p. 219.
4 Marie-Françoise Christout, Histoire du Ballet, Editions P.U.F, Coll. " Que sais-je ? ", 1975, p. 17.
5 Germaine Prudhommeau, Histoire de la Danse, tome 2 : de la Renaissance à la Révolution, Editions Amphora, Coll. Sport et Connaissance, 1989, p. 149. (ouvrage revu et corrigé à paraître aux éditions La Recherche en Danse, début 1997).
6 Marie-Françoise Christout, ibidem, 1975, p. 46.
7 Martine Kahane, Opéra, côté costume, Editions Plume / S. N. A. B, Opéra National de Paris, 1995, p. 30.
8 Pierre Michaut, Histoire du Ballet, Editions Presses Universitaires de France, Coll. " Que sais-je ? ", 1945, p. 51. L’auteur ajoute en note de bas de page : " On retrouvera ce double plan de la destinée dans La Fille du Danube, La Bayadère, Giselle, Le Lac des Cygnes, [...] L’Oiseau de feu, [et] Coppélia. "
9 Pierre Michaut, op. cit., 1945, pp. 64-65.
10 Marie-Françoise Christout, Le Ballet occidental, naissance et métamorphoses : XVIe-XXe siècles, Editions Desjonquères, Coll. La mesure des choses, 1995, p. 83.
11 Louis Laloy, critique musical français, in Anna Pavlova, programme de la soirée du 12 mai 1928 au Théâtre des Champs-Elysées, Paris ; document disponible à la Bibliothèque de l’Opéra National de Paris.
12 C’est en 1800 que l’on trouve la plus ancienne mention du mot " arabesque " s’appliquant à un pas. Jusqu’alors, ce mot désignait des lignes sinueuses comme en Arts Plastiques. En 1830, Carlo Blasis ne connaît le mot " arabesque " que sous sa signification de ligne sinueuse.
13
A Naples, Lady Blessington décrit Amalia Brugnoli traversant la scène sur l’extrémité de ses pieds. Marie Taglioni la voit ensuite à Vienne en 1823 et note qu’elle apportait un genre nouveau, elle faisait des choses très extraordinaires sur la pointe du pied. A Saint-Pétersbourg Avdotia Istomina danse " tout à fait sur le bout de l’orteil ".
14 James Laver, Histoire de la mode et du costume, Editions Thames & Hudson, Collection L’Univers de l’Art, 1990, p. 222.
15 James Laver, Ibidem, p. 224.
16 Marie-Françoise Christout, op. cit., 1995, p. 109.
17 Marie-Françoise Christout, op. cit., 1995, p. 42.
18 Georges Arout, La Danse contemporaine, Editions Fernand Nathan, Paris, 1955, p. 28.
19 Pierre Michaut, Histoire du Ballet, Editions des Presses Universitaires de France, Coll. " Que sais-je ? ", 1945, p. 14.
20 Marie-Françoise Christout, Histoire du Ballet, Editions P.U.F, Coll. " Que sais-je ? ", 1975, p. 14.
21 Marie-Françoise Christout, Le Ballet occidental, naissance et métamorphoses XVIe-XXe siècles, Editions Desjonquères, Paris, 1995, pp. 30-31.
22 Marie-Françoise Christout, Ibidem.
23 Marie-Françoise Christout, Ibidem.
24 Germaine Prudhommeau, Histoire de la Danse tome II, De la Renaissance à la Révolution,Editions Amphora, Paris, 1989, p. 90.
25 Germaine Prudhommeau, Ibidem.
26 Pierre Michaut, Ibidem.
27 Pierre Michaut, Ibidem.
28 Pierre Rameau, Le Maître à danser, 1725.
29 James Laver, op. cit., p. 130.
30 Marie-Françoise Christout,1995, op. cit., p. 44.
31 Jacques Ruppert, Le Costume français, ouvrage collectif, Editions Flammarion, Collection Tout l’Art Encyclopédie, 1996, p. 127.
32 François Boucher,1965, op. cit., p. 314.
33 Pierre Lartigue, " Supplément à l’Art de la pointe ", in la Revue d’esthétique n° 22, 1992.
34 Jean-Pierre Pastori, Pierre Lacotte, Tradition, Editions Marcel Favre, Paris, 1987, p. 27.
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