Stravinski & Fokine : LOiseau de feu
"" Ballet en 1 acte et 2 tableaux. Livret et chorégraphie : Fokine. Musique : Stravinski. Décors
et costumes : Golovine, à lexception du costume de lOiseau de feu dessiné par Bakst. Créé
par les Ballets Russes de Diaghilev, à lOpéra de Paris, le 25 juin 1910. Principaux interprètes :
Tamara Karsavina et Michel Fokine, Enrico Cecchetti et Vera Fokina.
Aussitôt rentré à Saint-Pétersbourg après sa triomphale conquête de Paris en été 1909,
Diaghilev se mit à préparer une seconde saison parisienne de ses Ballets Russes, pour
laquelle il prévoyait des uvres entièrement nouvelles. Le conte de fées lOiseau de Feu lui
apparaissant comme un excellent thème de ballet, il chargea Fokine de sen inspirer pour une
chorégraphie. Fokine entreprit immédiatement délaborer largument demandé, combinant les
parties les plus intéressantes des diverses versions connues de la célèbre légende : "Le
conte dIvan Tsarévitch", "LOiseau de Lumière et le Loup gris", ainsi que la trame de
"Kostchei lenchanteur". La musique avait été commandée au vieux maître dharmonie de
Diaghilev, Liadov. Interrogé au bout de trois mois sur létat davancement de sa partition, le
compositeur dailleurs réputé pour sa lenteur au travail répondit : "Le ballet avance
merveilleusement. Jai déjà acheté le papier à musique". Diaghilev, homme aux décisions
rapides, se souvint dune récente audition, au cours dun concert de lAcadémie de
Musique, de Feu dartifice, poème symphonique dun compositeur de 26 ans qui sappelait
Igor Stravinsky. Ainsi le chargea-t-il immédiatement de composer la partition de lOiseau de
Feu. Le musicien raffiné quétait Fokine avait, lui aussi, entendu et apprécié Feu dartifice,
encore incompris de la majorité du public. Chorégraphe et compositeur travaillèrent dans
lentente la plus parfaite.
Le rideau se lève sur une scène obscure où lon voit seulement, dans un cercle de lumière, un
arbre chargé de pommes dor. Léclairage sintensifiant, on découvre un bois mystérieux
sous le clair de lune. Le brillant Oiseau traverse la scène dans un éclair. Le Tsarévitch
apparaît et poursuit lOiseau quil cherche à atteindre dune flèche ; mais lOiseau se sauve
pour revenir danser sous larbre. Le Tsarévitch le saisit, mais lui rend sa liberté contre le
présent dune plume dor. Douze princesses apparaissent et jouent avec les pommes quelles
ont cueillies. Le Tsarévitch vient se mêler aux jeunes filles, déjà amoureux de la plus belle, qui
répond à ses sentiments ; elle le supplie, mais inutilement, de fuir, car elle est, avec ses
surs, prisonnière de lImmortel Kostchei, lenchanteur qui se saisit de tous ceux quil
surprend dans son domaine. Tout à coup, apparaît une horde de gnomes qui coupent la
retraite au Tsarévitch, bientôt par le terrible Kostchei qui sapprête à ensorceler le jeune
prince. Mais celui-ci agite la précieuse plume dor, et lOiseau accourt pour entraîner les
démons dans une danse qui les épuise. LOiseau conduit le Tsarévitch vers un arbre creux
où se trouve une boîte qui contient un uf géant, lâme de Kostchei. Le magicien veut
empêcher le prince de briser luf, mais en vain. Luf est brisé, Kostchei et sa cour
disparaissent, le charme est définitivement rompu. Aussitôt, tout lendroit se transforme : la
Princesse vient à la rencontre du Tsarévitch, avec une suite de nobles qui vont couronner
leur libérateur.
LOiseau de Feu remporta un succès inouï. Pavlova ayant entendu la musique de Stravinsky
et refusé de danser pareilles "niaiseries", ce fut Karsavina qui créa le rôle de lOiseau, tandis
que Fokine lui-même incarnait le rôle du Tsarévitch. Leur danse, le féerique décor tout
empreint de mystère et de magie, les costumes inspirés du folklore russe, la chorégraphie, où
se succédaient des tableaux pétris dardeur amoureuse, de poésie juvénile et de terrifiante
grandeur, enfin la surprenante musique dun jeune compositeur inconnu, créèrent une
extraordinaire atmosphère denchantement.
Divers compositeurs ont repris le thème de lOiseau de Feu sur la même musique :
Balanchine (1949) au New York City Ballet ; Lifar (1954) à lOpéra de Paris. Une véritable
reprise de luvre originale a été remarquablement réalisée en 1954 (25e anniversaire de la
mort de Diaghilev) au Sadlers Wells Ballet, grâce à Serge Grigoriev, lancien régisseur des
Ballets Russes, aidé de sa femme Lubov Tchernicheva, et de Karsavina elle-même. Les
décors et les costumes étaient de Gontcharova. "Dinah Maggie
Dictionnaire du ballet moderne
Editions Fernand Hazan, Paris, 1957